Il est contre la fenêtre, assis
bien à sa place. On devine au premier coup d’œil qu’il n’est arrivé que depuis
très peu de temps. Ses vêtements sont propres, mais de mauvaise qualité, aux couleurs
désaccordées. Il est évident que tout ce qu’il possède, il l’a sur lui. Il n’a
pas un beau visage, il n’est pas laid non plus. Dans les rues du Caire ou de
Damas, rien ne le distinguerait de tous les autres jeunes hommes oisifs,
indigents et sans espoir. Sauf que lui est parti – et est arrivé. Il regarde
les autres passagers du RER comme s’il voulait percer un mystère. Tout est
nouveau et intimidant pour lui, mais il fait bonne figure. Il farfouille dans
son petit sac à dos donné par une institution humanitaire. Il en sort une
enveloppe dont on voit qu’il la trimballe depuis des semaines, peut-être des
mois. Il en tire soigneusement une feuille toute cornée. L’adresse de son oncle à Paris ? L’assurance de
commencer une nouvelle vie ? Ce trajet qui, pour la plupart des gens, est
une corvée dont on souhaite qu’elle se termine le plus vite possible, pour lui
c’est le premier moment où il est simplement comme tout le monde.